L'exploitation capitaliste
L'exploitation capitaliste
Introduction
« La démarche marxiste est une Critique de l'économie politique » (sous-titre du Capital).
Cela signifie que tout en leur empruntant de nombreux concepts (notamment sa conception de la valeur des marchandises), Marx se situe dans une perspective critique par rapports à l‘économie politique de son époque, c'est-à-dire les économistes classiques, Smith, Ricardo et Malthus.
Cette économie politique classique analyse les relations économiques dans la société en place comme l'expression d'un « ordre naturel » qui peut être traduit en lois, universelles comme les lois de la physique.
Pour Marx :
- il existe des lois économiques qui s'imposent aux hommes, propres aux différents modes de production. Au XIX° siècle ce sont les lois du capitalisme.
- Elles n'ont donc rien d'universel ni de naturel. Pour chaque période l'histoire humaine: «lois historiquement déterminées».
- Elles portent en elles-mêmes les conditions de la destruction de ce mode de production. En effet si le capitalisme n'a pas toujours existé, il n'est pas destiné à être éternel.
I - : Le capitalisme : règne généralisé de la marchandise
L'idéologie propre au capitalisme, produite par la classe dominante qui est la bourgeoisie, a pour particularité de masquer les rapports sociaux qui sont à l'origine du profit capitaliste :
- fétichisme de la marchandise,
- le capital apparaît comme un ensemble de biens et non comme un rapport social et donne l'impression de produire en lui-même de la valeur,
- le salaire donne l'mpression de rémunérer le travail du salarié masquant ainsi le rapport d'exploitation.
Nous devons donc démasuqer la réalité de ces rapports sociaux derrière les apparences de « l'économie vulgaire ».
A - Marchandises, valeur d'usage, valeur d'échange :
Le capitalisme est une économie fondée sur l'échange et la monnaie.
A1 - La valeur d'usage :
Tout produit du travail humain doit avoir une utilité, satisfaire un besoin humain : il possède une valeur d'usage. Dans les sociétés pré-capitalistes, les producteurs (en majorité des agriculteurs) produisent pour leurs besoins propres et ceux de la classe dirigeante (qui s'apporprie le surproduit social soit sous forme de temps de travail, soit sous forme d'une partie de la production). L'excédent de la production peut être échangé avec des artisans locaux (forgerons etc...) en échange de services ou vendu au marché. Une telle économie est donc orientée vers la production de valeurs d'usage.
Cf. Chapitre sur le Matérialisme
La valeur d'usage dépend des caractéristiques de chaque bien, ce qui permet difficilement des comparaisons (il est impossible « d'additionner des choux et des carottes »)
A2 - La valeur d'échange :
La valeur d'échange est liée à une production destinée à être échangée sur un marché. Elle n'existe que si des individus entrent en relation pour acheter et vendre. Deux quantités de biens différents peuvent avoir la même valeur d'échange.
La masse des biens produits pour être vendus ne constitue plus une somme de valeurs d'usage mais un ensemble de valeurs d'échange, de marchandises.
A3 - La marchandise :
Définition :
Une marchandise est donc un produit qui n'a pas été créé dans le but d'être consommé directement, mais pour être échangé sur un marché.
Dans les économies antérieures au capitalisme, la production pour le marché n'orientait qu'une partie de l'activité. Le capitalisme est la première société dans l'histoire humaine dans laquelle la majorité de la production est composée de marchandises.
Il y a cependant trois catégories de biens ou services qui ne sont pas (ou pas complètement) des marchandises :
- ce qui est produit pour l'autoconsommation (par ex. agricole),
- ce qui est produit « gratuitement » à l'intérieur du ménage (préparation des repas, couture etc...), bien que nécessitant la dépense de beaucoup de travail humain (largement travail féminin) ne constitue pas une production de marchandises,
- certains services mis à la disposition des gens qui en ont besoin sans qu'il y ait paiement direct (ou un paiement ne correspondant qu'à une faible partie de la valeur du bien) : éducation, soins médicaux. Les politiques libérales essaient de limiter ces exceptions et de les faire entrer dans le cadre de la norme générale du capitalisme.
Précisions sur les marchandises :
- Ne sont des marchandises, que les produits susceptibles d'être reproduits en grande quantité. Tout produit vendu sur un marché n'est pas nécessairement une marchandise. Par exemple, une œuvre originale de Picasso n'est pas une marchandise. La création artistique et même les prix des œuvres d'art ne ressortent pas de l'analyse économique. Par contre, les reproductions des œuvres de Picasso constituent des marchandises: elles sont reproductibles.
- Les systèmes d'éducation publique et de sécurité sociale ont été mis en place parce que les classes populaires en ont revendiqué la création mais aussi car les entreprises capitalistes avaient besoin d'une main-d'œuvre formée et d'une santé à peu près correcte et que le secteur privé s'avérait incapable de répondre à ces besoins.
Ce dernier point conduit à rappeler deux des caractéristiques fondamentales du capitalisme :
- C'est une économie où la production est orientée par le profit (nous développerons un peu plus loin l'origine du profit capitaliste),
- c'est une économie monétaire, c'est-à-dire une économie dans laquelle quasiment tous les échanges passent par l'intermédiaire de la monnaie : les échanges directs de biens et de services sont rarissimes.
En conséquence, ce qui oriente la production ne sont pas les besoins, mais la partie des besoins qui s'exprime sous la forme d'un pouvoir d'achat, la demande solvable. Il peut donc y avoir « surproduction » sans que tous les besoins soient satisfaits.
Le fétichisme de la marchandise :
Pour Marx, la marchandise n'est pas la forme naturelle des produits du travail, mais une forme sociale particulière, générée par la production capitaliste. Tout se passe comme s'il était naturel que ces produits se présentent sous la forme de marchandises possédant une valeur.
C'est que, explique Marx, « un rapport social déterminé des hommes entre eux [revêt] pour eux la forme fantastique d'un rapport des choses entre elles ». La marchandise, comme « choses sociales » a donc un « caractère fétiche » dont il faut percer le secret en analysant les particularités des rapports de production capitalistes.
B - La loi de la valeur
Cette valeur d'échange ne dépend pas de l'utilité du bien et est donc distincte de la valeur d'usage. Un bien peut être très utile et n'avoir qu'une valeur d'échange très faible (l'eau) et vice-versa (le diamant). La valeur d'échange d'une marchandise est déterminée par la quantité de travail nécessaire pour la produire.
Précisions sur la valeur travail :
1- Le temps de travail se compose de travail direct (vivant) et indirect (mort):
Pour fabriquer une automobile, il faut des matières premières (métal, matières plastiques, caoutchouc...), des machines, des travailleurs.
Les machines, les matières premières ont elles-mêmes nécessité une dépense de travail pour être produites.
Le temps de travail total nécessaire pour fabriquer une voiture englobe donc le travail direct (ou vivant) des travailleurs de l'industrie automobile, et le travail indirect (ou mort) incorporé dans les machines et les matières premières.
2- Le temps de travail socialement nécessaire:
La valeur d'échange d'une marchandise ne peut pas dépendre de la qualité de travail dépensée effectivement par chaque individu ou entreprise pour produire une marchandise. On arriverait à une sitation absurde : moins un salarié ou une entreprise seraient productifs, plus ils auraient besoin de temps pour obtenir une production donnée, plus grande serait la valeur de cette production.
La valeur d'échange d'une marchandise est déterminée par la quantité de travail socialement nécessaire pour la produire, ce qui signifie : la quantité nécessaire dans les conditions moyennes de productivité du travail existant à une époque et dans un pays déterminés.
3- Travail simple / Travail complexe :
Les différentes activités humaines ont des niveaux de complexité différents. On distingue donc le travail simple et la travail complexe :
- Travail simple: travail que fournit un salarié sans qualification.
- - Travail complexe: celui que fournit l'ouvrier professionnel, du technicien de l'ingénieur.
Pour calculer la valeur totale d'une marchandise, le temps de travail complexe est considéré par Marx comme un multiple du travail simple.
II - : L'exploitation capitaliste
A - La valeur d'échange de la force du travail
Par « force de travail », Marx entend « l'ensemble des facultés physiques et intellectuelles qui existent dans le corps d'un homme, dans sa personnalité vivante, et qu'il doit mettre en mouvement pour produire des choses utiles ».
La valeur d'échange de la force de travail se détermine selon la règle applicable à toutes les marchandises : elle correspond à la valeur d'échange des produits nécessaires aux travailleurs pour vivre en tant que porteurs de forces de travail (c'est-à-dire à la dépense de force de travail nécessaire pour obtenir ces produits).
Les besoins à satisfaire pour la reproduction de la force de travail ne se limitent pas aux besoins physiologiques minimaux (nourriture, vêtements, logement), ni aux besoins du travailleur lui-même (mais incluent les coûts liés aux enfants, qui constituent la main-d'œuvre future). Leur ampleur (autrement dit le nombre et la nature des produits entrant dans la reproduction de la force de travail) dépend des conditions économiques et sociales dans lesquelles les hommes vivent, conditions qui sont variables selon les pays et les époques. Ils dépendent en particulier du niveau de développement des forces productives d'un pays. Plus ce niveau est élevé, plus la norme de reproduction de la force de travail incorpore de produits différents : elle inclut en particulier la formation initiale et permanente des salariés. La définition de la valeur de la force de travail n'est donc pas une question seulement économique. Elle dépend aussi du rapport de force général entre travailleurs et capitalistes, de la capacité des salariés à forcer les capitalistes à intégrer dans la norme divers besoins nouveaux.
B - La plus-value et l'exploitation
B1 - Origine de la plus-value
La force de travail du salarié est donc une marchandise.
Comme toute marchandise, elle a une valeur d'échange, mais elle a aussi une valeur d'usage, une utilité, qui est de produire des biens nouveaux, des valeurs nouvelles. Or, comme pour toute marchandise, cette valeur d'échange est indépendante de la valeur d'usage. Le capitaliste, qui l'achète, dispose donc de ce qu'elle a produit, mais ne la rémunère qu'en fonction de sa valeur d'échange.
Imaginons que la durée d'une journée de travail soit de 8 heures.
Le capitaliste qui achète 8h de la force de travail d'un salarié possèdera l'équivalent de 8h de marchandises produites pendant cette journée. Mais si la valeur d'échange de la force de travail n'est que de 6h, en fonction des critères définis plus haut, il disposera de la valeur de 2h de travail sans contrepartie.
B2 - Exploitation
Ce sont 2h de surtravail, ou plus-value, qui constituent l'origine du profit et le fondement de l'exploitation.
On peut donc résumer le mécanisme général de l'exploitation capitaliste de la manière suivante : le capitaliste paie la valeur d'échange de la force de travail et il en obtient la valeur d'usage. La différence entre les deux (la plus-value) lui revient. La plus-value est créée dans le processus de production.
Remarques :
- sauf dans les tracts, l'exploitation n'est pas du vol au sens strict du terme. Sauf exception (heures supplémentaires non payées...) le capitaliste paie la force de travail à sa valeur. En revanche, il est vrai qu'il s'agit bien d'une captation, d'une appropriation par le capitaliste de la richesse produite par le travail des salariés.
- La détermination de la valeur de la force de travail est d'autant moins une question purement économique que la force de travail est une marchandise d'un genre particulier (elle a la capacité de lutter pour se vendre plus cher). Son prix (le salaire) tend à osciller entre deux limites extrêmes:
- une limite basse: celle qui n'assure plus la reproduction de la force de travail
- une limite haute: celle qui n'assure plus la reproduction du capital (car les capitalistes n'ont plus les prodits minimum nécessaires à la reproduction du système).
- Le capitalisme est une économie monétaire. les marchandises n'ont d'existence que pour être échangées. Si les marchandises produites ne sont pas vendues, la plus-value extraite par le capitaliste de l'achat de la force de travail, reste virtuelle, elle n'est pas réalisée et ne se transforme pas en profit concret. Nous verrons que cette réalisation n'est pas garantie dans le mode de production capitaliste.
B3 - Valeur totale d'une marchandise
Une marchandise aura donc comme valeur la somme :
a - du temps de travail mort, le capital constant que l'on peut désigner par la lettre C
Il est constitué de machines et matières premières, qui ne font que transmettre leur valeur et n'en créent pas de nouvelle. On parle aussi de travail mort car il s'agit de travail passé concrétisé dans des objets.
b - du temps de travail vivant qui se décompose :
- en capital variable (désigné par la lettre V)
Il s'agit de la partie du capital total constitué par la force de travail achetée par le capitaliste, qui correspond au capital variable. Variable signifie ici que les travailleurs produisent plus de valeur qu'ils n'en coûtent à leurs patrons. Ils sont sources de valeur supplémentaire.
Cela permet de comprendre un aspect essentiel que les idéologues au service du capitalisme s'acharnent à camoufler : la source de la valeur, c'est en dernière instance toujours le travail des salariés.
- et en plus-value (PL)
c- sa valeur d'échange s'écrira donc : C + V + PL
C - Taux de plus-value et origine du profit capitaliste
C1- Le taux d'exploitation
Le taux d'exploitation ou taux de plus-value (PL/V) est le rapport entre la plus-value PL extraite dans un temps de travail donné et la valeur d'échange de la force de travail V dépensée au cours de ce temps.
Il constitue une variable centrale dans le fonctionnement du capitalisme, les capitalistes essaient donc de l'accroître. Plusieurs méthodes sont possibles :
a - Augmentation de la plus-value absolue :
Il s'agit d'augmenter la durée du travail non payé (PL) par rapport au travail payé (V). Deux solutions sont possibles :
- le patron peut tenter d'allonger la durée du travail à niveau de salaire inchangé.
Cette méthode a largement été pratiquée dans les premières décennies du capitalisme industriel moderne (XVIII° siècle et première moitié du XIX°) et elle l'est encore dans certains pays du Tiers-Monde. Dans les pays capitalistes développés, les salariés ont généralement réussi à imposer des réglementations de la durée du travail. Cependant, dans un pays comme la France, avec la dégradation du rapport de force au détriment des salariés, les heures supplémentaires non payées ne sont pas exceptionnelles dans certains secteurs. De façon générale, les capitalistes s'ooposent aujourd'hui comme par le passé, à toute réduction de la durée légale du travail avec maintien du salaire. Cette résistance des patrons cofirme l'analyse marxiste, selon laquelle le profit capitaliste repose sur le surtravail des salariés.
- le patron peut augmenter l'intensité du travail
L'ouvrier, en une heure de travail, produit plus de marchandises et plus de valeur. A ne pas confondre avec une augmentation de productivité : il n'y a pas de gain d'efficacité du travail, cela revient à une augmentation de la durée totale du travail. Méthode traditionnelle : accélération des cadences, « rationnalisation » des gestes (taylorisme). Plus récemment, annualisation du temps de travail ou recours au temps partiel pour ajuster la présence des salariés aux variations de l'activité, chasse aux « temps morts », le temps partiel permet, pour sa part, de moduler la présence quotidienne des salariés en fonction des stricts besoins de l'entreprise.
b - Augmentation de la plus-value relative :
Cette méthode ne joue pas sur le terrain de l'entreprise mais au niveau de l'ensemble d'une économie nationale.
Il s'agit de faire baisser la valeur de la force de travail V en réduisant la valeur d'échange des marchandises entrant dans la reproduction de celle-ci. Cela peut résulter d'un accroissement de la productivité du travail social dans les branches qui reproduisent celles-ci ou (et là c'est indirect) dans les branches qui produisent les biens de production (machines, matières premières...) nécessaires à la production de ces marchandises. L'objectif des capitalistes est alors de confisquer le bénéfice de ces gains de productivité, de les transformer en plus-value (on parle alors de plus-value relative) en faisant en sorte que les salaires des travailleurs augmentent moins vite que la productivité dans la production des biens utiliisés par ceux-ci.
Depuis 1983 en France, ce phénomène a joué massivement et une partie importante des hausses de productivité a été confisquée par le patronat. La part des salaires dans la valeur ajoutée (valeur de la production annuelle moins la valeur des biens et services utilisés pour produire) est passée de 69% en 1981 à 60% en 1989 et s'est depuis maintenue à peu près à ce niveau.
La lutte des capitalistes pour le profit maximum.
Dans les zones franches
Heures de travail excessives
Face à des prix de vente constamment revus à la baisse et à des délais de livraison de plus en plus courts, les employeurs réagissent en sous-payant leurs employés et en leur imposant un nombre excessif d'heures de travail. Le salaire de base dans les zones franches correspond généralement au salaire minimum et peut dans certains cas être supérieur aux salaires versés par les entreprises nationales. (...)
Les heures supplémentaires suscitent souvent le mécontentement car elles sont généralement obligatoires et non-rémunérées, ou dans les meilleurs des cas rémunérées au taux de base. L'absence de syndicats et d'inspections du travail implique que ces pratiques se poursuivent de façon largement incontrôlée. Dans les zones industrielles du pays, les employeurs étrangers, essentiellement des groupes textiles d'Afrique du Sud, de Hong Kong et de Taiwan, paient des salaires inférieurs au minimum légal, refusent de financer les prestations de l'assurance maladie et pratiquent des retenues arbitraires sur le salaire de leurs employés. Malgré l'existence d'une législation interdisant ces agissements, les autorités ferment les yeux quand des infractions sont commises.
Comme nous montre notre étude de cas au Madagascar, une journée de travail type lors de périodes de pointe peut aisément atteindre 15 heures par jour. Les quotas de production sont irréalisables à l'intérieur des heures de travail normales et les heures supplémentaires sont rémunérées au taux de base minimum. Dans les zones, des retenues salariales sont imposées aux travailleurs qui refuseraient de faire des heures supplémentaires ou qui commettraient trop de fautes.
Les salarié(e)s du secteur électronique dans la zone de Dongguan, en Chine, sont contraint(e)s à des journées de travail excessivement longues pour des salaires inférieurs au minimum légal. L'étude présentée dans ce rapport inclut l'exemple d'une entreprise taiwanaise où les employé(e)s de la chaîne d'assemblage ont fait, en moyenne, entre 100 et 120 heures supplémentaires mensuelles - dépassant de loin le maximum autorisé par la loi qui est de 36 heures par mois. Les salaires moyens y étaient bien inférieurs au minimum légal de 54 dollars par mois.
Santé et sécurité
Les syndicats dénoncent fréquemment des cas de non respect des normes de santé et sécurité par des entreprises, notamment en ce qui concerne les équipements de protection, les installations sanitaires, la ventilation et la formation aux risques professionnels.
L'absence d'installations sanitaires adéquates et les restrictions imposées à leur utilisation suscitent de graves préoccupations. En effet, nombreuses sont les entreprises qui restreignent l'accès aux toilettes pour limiter le temps perdu de cette façon et la perturbation du travail en cours. L'entreprise philippine AAA Inc, qui produit des vêtements pour bébés pour les marques Little Betty, Sears Roebuck et JC Penney, permet à ses employé(e)s de se rendre aux toilettes une fois toutes les quatre heures. (...)Les bas salaires et les heures de travail excessives impliquent que les travailleurs ne peuvent pas se reposer suffisamment, ni bien se nourrir, ni accéder facilement aux soins médicaux.
Extrait de « L'envers des marques : conditions de travail et droits des travailleurs dans les zones franches d'exportation », rapport de la CISL, 2004.
Europe : augmentation du temps de travail
Les salariés allemands se dressent contre l'allongement de la durée du travail. Jeudi, plusieurs dizaines de milliers d'employés de Daimler-Chrysler, jusqu'à 80 000 sur un total de 160 000, ont fait grève à l'appel du puissant syndicat IG Metall. But de la protestation : faire reculer la direction de Mercedes, l'une des filiales du groupe, qui, à l'instar de Siemens, vient de se lancer dans le chantage à la délocalisation. En clair, elle menace de transférer jusqu'à 6000 emplois, actuellement basés dans le sud-ouest du pays, dans le nord et surtout, en Afrique du Sud, où le coût du travail est moindre. Et n'entend renoncer à ce projet que si les représentants du personnel signent un programme d'économies de 500 millions d'euros. Ce dernier consiste notamment à supprimer diverses primes, ainsi que les pauses rémunérées, ce qui, de fait, ferait travailler davantage les employés pour un salaire identique.
L'Expansion 15/07/2004 « Temps de travail : grève massive chez Daimler-Chrysler »
Doux persiste et signe.
Le premier producteur de volailles européen a confirmé, jeudi 26 août, la nouvelle organisation du travail imposée à ses salariés en juillet, visant à accroître leur temps de travail effectif, sans déroger à la loi. Une annonce qui prend une résonance particulière dans le contexte actuel de remise en cause des 35 heures et le débat sur la compétitivité française.
Concrètement, au lieu de travailler 39 heures et de bénéficier de 23 jours de réduction de temps de travail (RTT) -ce qui correspondait, selon la direction, à une durée effective du temps de travail de 32,83 heures par semaine, payés 39 heures -, les salariés vont travailler 35 heures par semaine, mais perdront ces trois semaines de congés supplémentaires pour le même salaire. Par ailleurs, les 2,5 heures par semaine de pauses obligatoires seront désormais incluses dans le salaire, comme le prévoit la convention collective du secteur des abattoirs de volaille, alors qu'elles étaient payées auparavant.
Pour le syndicat CFDT, cette décision correspondrait à une perte de salaire de 500 euros par an. Même si Doux se défend de vouloir remettre en cause les 35 heures, sa décision s'inscrit dans un mouvement de remontée du temps de travail dans les entreprises françaises et européennes, au nom de la compétitivité. SEB, le leader mondial du petit électroménager, l'équipementier automobile Bosch, en France, ont défrayé la chronique cet été en choisissant de remettre en cause les accords de RTT pour préserver l'emploi. Le premier souhaite porter le temps de travail à 38 heures tout en maintenant la flexibilité. Quant aux salariés de Bosch, ils travailleront désormais 36 heures par semaine et leur salaire ont été gelés.
« L'allongement du temps de travail, dossier sensible de la rentrée » LE MONDE | 27.08.04
- I. Le Capital affamé de surtravail
Le capital n'a point inventé le surtravail. Partout où une partie de la société possède le monopole des moyens de production, le travailleur, libre ou non, est forcé d'ajouter au temps de travail nécessaire à son propre entretien un surplus destiné à produire la subsistance du possesseur des moyens de production. (...) Mais dès que des peuples, dont la production se meut encore dans les formes inférieures de l'esclavage et du servage, sont entraînés sur un marché international dominé par le mode de production capitaliste, et qu'à cause de ce fait la vente de leurs produits à l'étranger devient leur principal intérêt, dès ce moment les horreurs du surtravail, ce produit de la civilisation, viennent s'enter sur la barbarie de l'esclavage et du servage. (....)
Ces lois (les Factory acts (lois de fabriques) en Angleterre) refrènent la passion désordonnée du capital à absorber le travail en imposant une limitation officielle à la journée de travail et cela au nom d'un Etat gouverné par les capitalistes et les landlords. Sans parler du mouvement des classes ouvrières, de jour en jour plus menaçant, la limitation du travail manufacturier a été dictée par la nécessité. (...). La même cupidité aveugle qui épuise le sol, attaquait jusqu'à sa racine la force vitale de la nation. Des épidémies périodiques attestaient ce dépérissement d'une manière aussi claire que le fait la diminution de la taille du soldat en Allemagne et en France.
Le Factory Act de 1850 maintenant en vigueur accorde pour le jour moyen dix heures, douze heures pour les cinq premiers jours de la semaine, de 6 heures du matin à 6 heures du soir, sur lesquelles une demi-heure pour le déjeuner et une heure pour le dîner sont prises légalement, de sorte qu'il reste dix heures et demie de travail, -et huit heures pour le samedi, de 6 heures du matin à 2 heures de l'après-midi, dont une demi-heure est déduite pour le déjeuner. Restent soixante heures de travail, dix heures et demie pour les cinq premiers jours de la semaine, sept heures et demie pour le dernier. Pour faire observer cette loi on a nommé des fonctionnaires spéciaux, les inspecteurs de fabrique,directement subordonnés au ministère de l'Intérieur dont les rapports sont publiés tous les six mois parordre du Parlement. Ces rapports fournissent une statistique courante et officielle qui indique le degréde l'appétit capitaliste.
Ecoutons un instant les inspecteurs : « Le perfide fabricant fait commencer le travail environ quinze minutes, tantôt plus, tantôt moins, avant 6 heures du matin, et le fait terminer quinze minutes, tantôt plus, tantôt moins, après 6 heures de l'après-midi. Il dérobe cinq minutes sur le commencement et la fin de la demi-heure accordée pour le déjeuner et en escamote dix sur le commencement et la fin de l'heure accordée pour le dîner. Le samedi, il fait travailler environ quinze minutes, après 2 heures de l'après-midi. Voici donc son bénéfice :
Avant 6 h du matin : 15 mn
Après 6 h du soir : 15 mn
Sur le temps du déjeuner : 10 mn
Sur le temps du dîner : 20 mn
____________
60 mn
Le samedi.
Avant 6 h du matin : 15 mn
Au déjeuner : 10 mn
Après 2 h de l'après-midi : 15 mn
____________
40 mn
Ou cinq heures quarante minutes, ce qui, multiplié par cinquante semaines de travail, déduction faite de deux semaines pour jours de fête et quelques interruptions accidentelles, donne vingt-sept journées de travail. »
« La journée de travail est-elle prolongée de cinq minutes chaque jour au-delà de sa durée normale, cela fournit deux jours et demi de production par an. » « Une heure de plus, gagnée en attrapant par-ci par-là et à plusieurs reprises quelques lambeaux de temps, ajoute un treizième mois aux douze dont se compose chaque année. »
Les crises, pendant lesquelles la production est suspendue, où on ne travaille que peu de temps et même très peu de jours de la semaine, ne changent naturellement rien au penchant qui porte le capital à prolonger la journée de travail. Moins il se fait d'affaires, plus le bénéfice doit être grand sur les affaires faites; moins on travaille de temps, plus ce temps doit se composer de surtravail. C'est ce que prouvent les rapports des inspecteurs sur la période de crise de 1857-58 :
« On peut trouver une inconséquence à ce qu'il y ait quelque part un travail excessif, alors que le commerce va si mal; mais c'est précisément ce mauvais état du commerce qui pousse aux infractions les gens sans scrupules; ils s'assurent par ce moyen un profit extra. » « Au moment même, dit Leonhard Horner, où cent vingt-deux fabriques de mon district sont tout à fait abandonnées, où cent quarante-trois chôment et toutes les autres travaillent très peu de temps, le travail est prolongé au-delà des bornes prescrites par la loi. » M. Howell s'exprime de la même manière : « Bien que dans la plupart des fabriques on ne travaille que la moitié du temps, à cause du mauvais état des affaires, je n'en reçois pas moins comme par le passé le même nombre de plaintes, sur ce que tantôt une demi-heure, tantôt trois quarts d'heure sont journellement extorqués (snatched) aux ouvriers sur les moments de répit que leur accorde la loi pour leurs repas et leurs délassements. »
Le même phénomène s'est reproduit sur une plus petite échelle pendant la terrible crise cotonnière de 1861-65.
« Quand nous surprenons des ouvriers en train de travailler pendant les heures de repas ou dans tout autre moment illégal, on nous donne pour prétexte qu'ils ne veulent pas pour rien au monde abandonner la fabrique, et que l'on est même obligé de les forcer à interrompre le travail (nettoyage des machines, etc.), particulièrement le samedi dans l'après-midi. Mais si « les bras » restent dans la fabrique quand les machines sont arrêtées, cela provient tout simplement de ce qu'entre 6 heures du matin et 6 heures du soir, dans les heures de travail légales, il ne leur a été accordé aucun moment de répit pour accomplir ces sortes d'opérations. »
« Le profit extra que donne le travail prolongé au-delà du temps fixé par la loi semble être pour beaucoup de fabricants une tentation trop grande pour qu'ils puissent y résister. Ils comptent sur la chance de n'être pas surpris en flagrant délit et calculent que, même dans le cas où ils seraient découverts, l'insignifiance des amendes et des frais de justice leur assure encore un bilan en leur faveur. » « Quand le temps additionnel est obtenu dans le cours de la journée par une multiplication de petits vols (a multiplication of small thefts), les inspecteurs éprouvent, pour constater les délits et établir leurs preuves, des difficultés presque insurmontables. » Ils désignent aussi ces petits vols du capital sur le temps des repas et les instants de délassement des travailleurs sous le nom de « petty pilferings of minutes », petits filoutages de minutes, « snatching a few minutes » escamotage de minutes; ou bien encore ils emploient les termes techniques des ouvriers : « Nibbling and cribbling at mealtimes ».
On le voit, dans cette atmosphère, la formation de la plus-value par le surtravail ou le travail extra n'est pas un secret. « Si vous me permettez, me disait un honorable fabricant, de faire travailler chaque jour dix minutes de plus que le temps légal, vous mettrez chaque année mille livres sterling dans ma poche. » « Les atomes du temps sont les éléments du gain! »
3) Le taux de profit
Capital constant et capital variable (C+V) constituent pour le capitaliste son coût de production. C'est ce qu'il doit débourser pour faire produire des marchandises et s'approprier ainsi la plus-value (PL).
Le taux de profit pour le capitaliste est le rapport entre la plus-value et le capital total avancé : capital variable ou force de travail (V) et capital constant (C).
Taux de profit = PL/(C+V)
Les capitalistes apparaissent donc « assoiffés » de plus-value : leur taux de profit en dépend. En effet, le taux de profit peut aussi s'écrire
PL/V/(C/V +1)
On voit donc qu'il dépend du taux de plus-value.